Vous avez posé des questions et nous y répondons : questions et réponses sur le deuil et la perte (première partie)

Temps de lecture : 5 Minutes

Comprendre votre propre deuil

Par la Dre Kayleigh-Ann Clegg, psychologue clinicienne 

Chaque année, CloudMD propose à ses clients une série de webinaires mensuels intitulés « Demandez à un expert ». J’ai eu la chance de présenter l’un de ces webinaires axé sur le deuil et la perte – d’y aborder notamment ce à quoi peut ressembler le processus de deuil, comment le traverser de manière saine, comment gérer les responsabilités qui ne semblent pas s’arrêter alors que vous avez l’impression que votre vie s’est arrêtée, et comment savoir quand vous pourriez avoir besoin d’un soutien plus important.

J’ai beaucoup apprécié les questions qui ont été posées – être ouvert et honnête sur le deuil peut aider à bâtir une culture de compréhension autour du deuil, en plus d’aider les gens à se sentir un peu moins seuls dans le processus. Dans ce contexte, j’ai rassemblé ci-dessous quelques-unes des questions auxquelles je n’ai pas pu répondre pendant le webinaire. Ainsi, cette première partie est consacrée aux questions posées par les participants sur leur propre expérience du deuil. Dans un article à venir, je me pencherai sur les questions portant sur l’accompagnement des personnes en deuil. Comme toujours, veuillez noter que ces réponses offrent des informations générales basées sur mon expérience clinique et mes lectures portant sur la recherche actuelle. Elles ne remplacent pas des informations plus personnalisées spécifiques à votre situation.

Est-il possible d’éprouver du chagrin pour des pertes autres que des décès ?

Absolument. Lorsque nous pensons au deuil, nous avons souvent tendance à penser à la perte d’un être cher, c’est-à-dire à la mort d’une personne importante pour nous. Mais le deuil peut survenir en réponse à n’importe quelle perte : une expérience traumatisante qui ébranle notre sentiment de sécurité ; la mort d’un animal de compagnie bien-aimé ; la naissance d’un enfant souffrant de complications physiques ou mentales majeurs ; un départ ou un congédiement ; une perte financière ; la retraite ; l’éloignement ou la fin d’une amitié, d’une relation amoureuse ou d’un lien familial ; le vieillissement ; une fausse couche ; un déménagement ; une maladie ou une blessure chronique ou soudaine ; un nid vide ; la perte de façons familières d’être et de faire les choses ; nos rêves, nos espoirs ou nos souhaits pour l’avenir ; et ainsi de suite. En fait, tout événement ou changement impliquant la perte de quelqu’un ou de quelque chose d’important pour nous peut déclencher un sentiment de deuil.

Le deuil peut-il être déclenché par des sensations (par exemple, des sons, des odeurs, etc.) ?

Oui ! Lorsque j’étais enfant, j’avais l’habitude de monter sur un tabouret pour aider mon grand-père (qui reste l’une des personnes que j’aime le plus) à couper des champignons pour le souper. Aujourd’hui encore, une quinzaine d’années après sa mort, l’odeur du beurre, des champignons, des oignons et d’un peu de porto cuisant sur la cuisinière déclenche une vague de chagrin, un mélange de nostalgie chaleureuse, de réconfort et de tristesse. Il s’agit d’une expérience courante : le chagrin peut être déclenché par tout ce qui vous rappelle qui ou quoi vous avez perdu, qu’il s’agisse d’occasions importantes ou d’anniversaires, de personnes, de lieux ou d’expériences partagées. Même certaines chansons, odeurs, images, goûts ou autres sensations peuvent déclencher le chagrin. En fait, certaines recherches suggèrent que les sensations physiques, en particulier les odeurs, sont souvent plus étroitement liées à la mémoire et à l’émotion.

Comment faire face à des amis que vous pensiez être là pour vous, mais qui ne le sont pas ?

Ce sentiment peut être douloureux, mais il est malheureusement assez courant. Si vous n’avez pas (encore) vécu de deuil, il peut être difficile de le comprendre pleinement. Certaines personnes vous surprendront par leur soutien, d’autres vous décevront par leur absence.

Essayez d’abord de leur accorder le bénéfice du doute – peut-être qu’ils ne comprennent pas tout à fait, qu’ils ont leurs propres problèmes de deuil qui les empêchent d’être présents, ou qu’ils ne savent pas vraiment comment être présents ou vous offrir ce dont vous avez besoin. Ensuite, pour les relations qui comptent, parlez-leur. Demandez-leur de vous soutenir, précisez ce que vous attendez d’eux et exprimez ce que vous ressentez. Enfin, s’ils ne sont toujours pas là pour vous, essayez de consacrer votre temps et votre attention à ceux qui ont été là pour vous ou à la recherche d’un soutien supplémentaire (par exemple, un groupe de soutien, une thérapie, d’autres amis ou membres de la famille).

Faut-il bouleverser les traditions des fêtes lorsque quelqu’un avec qui vous aviez l’habitude de célébrer est décédé, ou faut-il conserver les anciennes traditions tout en reconnaissant qu’elles n’existent plus ?

Le deuil n’a pas de règles absolues et comporte très peu de « tu devrais/vous devriez ». Vous pouvez donc faire l’une ou l’autre de ces choses. L’important est de faire ce qui vous semble juste. Je vous recommanderais cependant deux ou trois choses. Tout d’abord, si vous êtes quelques personnes qui ont l’habitude de célébrer ensemble, je vous recommande d’avoir une discussion ouverte sur ce que chacun aimerait faire, puis d’essayer de parvenir à un consensus. Deuxièmement, et c’est peut-être le plus important, je recommanderais de reconnaître que la personne décédée n’est plus là, que vous choisissiez de bouleverser les choses ou de garder les anciennes traditions. Peu importe ce que vous ferez, vous aurez l’impression que ce sera différent ; le fait de le dire peut parfois atténuer ce sentiment de tension inexprimée et permettre aux gens de parler de ce qu’ils peuvent ressentir.

Comment pouvez-vous faire face à des pertes multiples – ou d’entendre parler des pertes d’autres personnes – sans déclencher un chagrin passé ?

Nous n’avons pas toujours le contrôle sur ce qui déclenche les chagrins passés, et essayer d’éviter tous les déclencheurs possibles de chagrins passés peut en fait entraver le traitement du chagrin d’une manière saine. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, je dirais qu’il sera probablement plus facile de gérer des pertes multiples ou d’entendre parler d’autres pertes si vous reconnaissez et surmontez la vague d’anciens chagrins qui surgit lorsqu’elle est déclenchée. Rappelez-vous que la blessure tend à mieux guérir lorsque vous l’aérez, qu’une certaine quantité de chagrin peut toujours être présente et se redéclencher, et que la vague passera si vous la laissez passer et si vous prenez soin de vous pendant cette période.

L’âge que vous aviez à la mort d’un être cher joue-t-il un rôle dans le deuil ?

Voilà une question très intéressante. Il y a tellement de facteurs qui peuvent avoir un impact sur le deuil. En ce qui concerne l’âge, voici ce que je peux vous dire : le deuil est plus fréquent avec l’âge parce que nous avons tendance à subir plus de pertes à un rythme plus rapide ; les jeunes enfants ne saisissent souvent pas pleinement le concept de la mort et de son irréversibilité ; et l’âge a tendance à influencer la façon dont nous exprimons notre deuil. De manière anecdotique, je peux vous dire que j’ai parfois remarqué un impact à plus long terme du deuil lorsque les personnes ont subi une perte au cours de leur adolescence ou de leur jeune âge adulte, alors qu’elles comprennent pleinement ce que la mort signifie et qu’il y a souvent beaucoup d’autres changements dans leur vie et dans leur vie intérieure. Plus encore que l’âge, une chose que j’ai remarquée et qui semble jouer un rôle plus important est la qualité du soutien dont bénéficie une personne – si elle a autour d’elle des personnes qui peuvent l’écouter, qui peuvent valider ce qu’elle ressent et sur lesquelles elle sait qu’elle peut compter.

Quelles sont mes options de soutien pour faire face au deuil ? Devrais-je consulter un spécialiste du deuil ?

Au-delà de votre propre cercle – qu’il s’agisse d’amis, de membres de votre famille, de collègues, d’un partenaire sentimental ou d’un voisin cordialement bienveillant – il existe toute une série de soutiens plus formels.

L’une des options que je recommande fréquemment est de rejoindre un groupe de soutien aux personnes en deuil. Il existe des groupes en ligne et en personne, qui peuvent s’avérer extrêmement utiles pour surmonter les aspects les plus difficiles du deuil, que les personnes qui n’en ont pas fait l’expérience peuvent ne pas comprendre pleinement.

Il existe également des programmes en ligne sur le deuil, qu’ils soient autoguidés (par exemple, le site mondeuil.ca du portail canadien en soins palliatifs) ou plus structurés et assistés par un thérapeute (par exemple, le programme « Le Duel » ).

En terminant, il y a la thérapie individuelle, qui peut s’avérer très utile pour naviguer dans les vagues et les éclats du chagrin. Lorsque vous cherchez un thérapeute, il est très important de vous assurer que vous consultez une personne agréée et enregistrée auprès d’un organisme de réglementation et que vous vous sentez bien avec elle. Bien que de nombreux thérapeutes soient bien au fait des effets de la perte, je vous recommande tout de même d’essayer de trouver quelqu’un qui possède une expertise considérable en matière de deuil et qui se tient au courant des dernières recherches. Les idées que nous nous faisons sur le deuil peuvent avoir un impact sur la façon dont nous le vivons, et il existe de nombreuses idées fausses. Il est important de travailler avec quelqu’un qui comprend les nuances du processus de deuil mises en évidence par la recherche contemporaine sur le deuil et la pratique clinique : par exemple, que le deuil ne se déroule pas linéairement en cinq étapes, mais implique plutôt toute une gamme d’expériences physiques, psychologiques et comportementales qui sont uniques à chaque personne.

Comment gérer le deuil anticipé ?

Le deuil anticipé est une forme particulière de souffrance. Il s’agit d’un type de deuil qui survient avant une perte que vous savez imminente (bien que vous puissiez ou non savoir quand) et qui est, en quelque sorte, une expérience sans fin, une sorte d’animation suspendue. Ce type de deuil est fréquent dans certaines situations, par exemple, lorsqu’un être cher souffre d’une maladie chronique dégénérative ou d’une maladie qui ne répond plus au traitement, lorsque vous devez faire face à une mortinaissance ou à d’autres complications liées à l’accouchement, ou lorsque vous êtes aux prises à un changement important et imminent.

De manière générale, les conseils dont nous avons parlé pour aider à traverser un deuil de manière saine s’appliquent également au deuil anticipé (par exemple, chercher du soutien, donner la priorité aux soins personnels, trouver un équilibre entre la concentration sur la perte et la concentration sur la reconstruction, faire des pauses, essayer de ne pas éviter vos sentiments, ne pas juger vos expériences, juste les vivre), avec quelques ajouts importants.

Tout d’abord, reconnaissez vraiment que le deuil anticipé est un deuil, que vos sentiments et vos expériences sont valables et réels, et qu’ils sont à certains égards plus compliqués et plus difficiles en raison de la façon dont la perte est imminente. Veillez tout particulièrement à ne pas juger vos émotions et vos expériences, et à chercher rapidement du soutien (par exemple, en faisant appel à des groupes de soutien spécialisés dans le deuil anticipé, en consultant un thérapeute individuellement, etc.).

Deuxièmement, essayez de vous demander s’il y a des choses que vous voulez ou deviez faire avant la perte pour vous aider à la surmonter, comme passer plus de temps avec la personne mourante, partager des pensées ou des activités avec elle, ou vous occuper de tâches pratiques (par exemple, juridiques, financières, administratives) qui doivent être accomplies à l’avance pour réduire la confusion ou la complication après la perte. Il est important de se rappeler qu’il n’existe pas de façon « parfaite » de se préparer – ni sur le plan pratique ni sur le plan psychologique – et qu’il ne faut donc pas se mettre trop de pression sur les épaules.

J’espère que ces informations vous ont été utiles et je vous encourage à demander de l’aide si vous en avez besoin. Comme me l’a écrit un jour une figure importante de ma vie, alors que je traversais une période difficile : « Non, non, non – vous n’êtes pas seule ! ».